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Nouveau statut fiscal des cadres étrangers : conséquences indésirables pour les régimes de pension complémentaire

 

Newsletter Aon Update | nr. 5 | 2022

La loi-programme du 27 décembre 2021 (M.B. du 31 décembre 2021) a introduit un nouveau cadre légal pour les "contribuables impatriés et chercheurs impatriés". Ce nouveau régime fiscal spécial remplace l'ancien statut fiscal des cadres étrangers (ledit "statut d'expat"). Le régime est entré en vigueur le 1er janvier 2022 - avec une période transitoire pour les situations existantes. Une analyse approfondie du nouveau régime révèle toutefois un certain nombre d'effets inattendus dans le domaine des régimes de pension complémentaire. En voici un bref aperçu.

Conclusion
Le nouveau statut fiscal des cadres étrangers semble entraîner des conséquences indésirables dans la plupart des cas dans le cadre de la pension complémentaire.

Suivant le design du plan, la pension complémentaire constituée sera dans de nombreux cas moins élevée que dans l'ancien régime. Il y aura également en principe une baisse de la garantie invalidité par rapport au régime antérieur.

Pour certaines de ces conséquences, il existe des solutions, mais il faut être conscient des éventuelles répercussions fiscales de ces solutions... 

Il est donc impossible d'apporter une réponse unique, notamment en raison de la diversité des régimes complémentaires présents aujourd'hui sur le marché et de la philosophie adoptée par les différents organisateurs/employeurs.

Aon est prêt à vous aider dans ce domaine. N'hésitez pas à contacter votre conseiller habituel.

Contexte
Le système antérieur, en vigueur depuis l'année de revenus 1983, n'avait pas de base légale mais était intégralement régi par des circulaires émises par les autorités fiscales elles-mêmes. Parmi celles-ci, la circulaire du 8 août 1983 (circulaire n° Ci.RH.624/325.294) est la plus importante. 

Le nouveau régime a été introduit dans le Code des impôts sur les revenus (ci-après "CIR") (nouveaux articles 32/1, 32/2, 240ter et 240quater CIR).

Notez que ce texte n'est pas destiné à débattre du nouveau régime. L'ancien et le nouveau système ne seront discutés que dans la mesure où cela est nécessaire et pertinent dans le cadre des pensions complémentaires.

Différence d'approche
L'ancien système partait d'un salaire brut total dont certains éléments à calculer pouvaient être exclus et donc exonérés de la sécurité sociale et de l'impôt sur le revenu.

Le nouveau régime utilise un point de départ différent. Le nouveau régime part toujours d'un salaire brut convenu dans un contrat de travail ou une lettre de détachement.

Mais en plus de ce salaire brut, un certain montant exonéré peut désormais être octroyé au salarié. Celui-ci ne peut dépasser 30% de son salaire et est plafonné à 90.000 EUR (articles 32/1 §5 et 32/2 §5 CIR). Le Roi peut toutefois adapter ce plafond tous les trois ans, et pour la première fois pour l'année de revenus 2024, en fonction de l'augmentation de l'indice santé lissé, conformément aux règles prévues à l'article 32/1, §3, sixième alinéa du Code des impôts sur les revenus. Ce montant exonéré est légalement considéré comme une dépense propre à l'employeur et non comme un salaire (idem).

On pourrait donc dire que l'ancien régime utilisait un système "top down" (où tout est intégré dans le brut), alors que le nouveau régime fonctionne plutôt selon le principe du "top up" (où des éléments exonérés s’ajoutent au salaire brut). La conséquence de ce nouveau régime est que le salaire brut sera plus faible. Nous l'illustrons ci-dessous par un exemple. 

Exemple chiffré simplifié
L'exemple chiffré ci-dessous n'est pas totalement exhaustif au niveau du calcul, mais il illustre la différence d'approche. On notera que dans l'exemple choisi, le nouveau régime est plus avantageux que l'ancien. Ceci est dû à la part relativement limitée des jours ouvrables en dehors de la Belgique, qui est fictivement fixée à 10% dans ce cas-ci.

  Ancien régime Nouveau régime
Brut 100.00,00 EUR 76.923,00 EUR
Moins le montant exonéré (max.) 11.250,00 EUR              /
Moins la sécurité sociale (13,07%) 11.436,00 EUR 10.003,00 EUR
Moins les frais de voyage (10%) 7.731,00 EUR              /
Revenu imposable 69.583,00 EUR 66.920,00 EUR
Impôts (53,5%) 37.227,00 EUR 35.802,00 EUR
Montant exonéré 11.250,00 EUR              /
Frais de voyage 7.731,00 EUR              /
Dépenses propres à l'employeur 30%              / 23.077,00 EUR
Revenu net 51.337,00 EUR 54.195,00 EUR
 
Note : 76.923,00 EUR + 23.077,00 EUR = 100.000,00 EUR.

S’affilier au plan de pension complémentaire ?
La pension complémentaire est déterminée par le règlement de pension (s'il s'agit d'un engagement individuel de pension, le terme "convention de pension" est également utilisé - ci-après nous utiliserons uniquement le terme "règlement de pension" ou "règlement"), qui détermine les droits et obligations de l’organisateur, de l'employeur, des affiliés et des bénéficiaires, ainsi que les conditions d'affiliation et les règles relatives à l’application (article 3 §1, 9° et 10° de la loi sur les pensions complémentaires, ci-après "LPC"). 

Si le cadre étranger est lié à l'employeur belge par un contrat de travail (ou est désigné comme dirigeant salarié de l'entreprise dans le cas d'un indépendant) et remplit les conditions d'affiliation, il sera affilié au plan de pension complémentaire.

Conséquences sur la constitution de la pension complémentaire
Le règlement déterminera le montant des cotisations à verser (patronales et/ou personnelles). Dans de nombreux cas, le règlement utilisera (une partie du) salaire pour déterminer le (montant des) cotisations. Les dépenses propres à l'employeur ne sont en principe jamais comprises dans la définition du salaire figurant dans le règlement.

C'est là que le bât blesse : dans le nouveau régime des cadres étrangers, en principe, aucune pension complémentaire ne sera constituée sur la partie du montant exonéré jusqu'à 30%, car cela n'est tout simplement pas prévu par le règlement - traditionnellement, aucune pension complémentaire n'est constituée sur les montants qui sont considérés comme des dépenses propres à l’employeur. 

En d'autres termes, dans notre exemple chiffré, le cadre étranger ne se constituera pas une pension complémentaire sur le montant de 23.077,00 EUR, mais seulement sur son salaire brut de 76.923,00 EUR. Alors que dans l'ancien système, il y a également une constitution de pension complémentaire, basée sur le salaire brut, mais où ce salaire brut est nettement plus élevé, à savoir 100.000,00 EUR (soit 76.923,00 + 23.077,00).

Voilà donc la différence entre l'ancien système "top down" et le nouveau système "top up" pour les cadres étrangers. Le montant qu'il représente dépend du type de régime (cotisations définies ou prestations définies) et du montant des cotisations.

Eventuelle solution
Dans son règlement, l’organisateur/employeur a encore toute liberté pour déterminer comment et sur quelle base les cotisations de pension sont déterminées et calculées. En ce sens, l’organisateur a la liberté de déterminer et de définir les éléments sur lesquels les cotisations sont calculées. 

C'est pourquoi rien ne s'oppose à ce que les 30% de dépenses propres à l’employeur mentionnés ci-dessus dans le nouveau régime des cadres étrangers soit inclus dans le règlement comme élément sur lequel sont calculées les cotisations de pension. Cela est légalement tout à fait possible, tant pour les cotisations patronales que personnelles. 

Mais risque fiscal possible
Là où le nouveau système a clairement un impact, c'est sur la règle des 80%. Cette règle fiscale, contenue dans l'article 59 du CIR, stipule que le total de la pension légale et de la pension complémentaire ne peut dépasser 80% du (dernier) salaire. Il est clair que, en qualifiant légalement et explicitement le "montant des 30%" de dépenses propres à l'employeur et non de salaire, cette partie ne peut jamais être incluse dans le calcul de la limite de 80%. 

Si vous choisissez ensuite, en tant qu'organisateur, d'honorer effectivement le "montant de 30%" dans le plan de pension et de calculer les cotisations sur ce montant, vous devez savoir que cela est légalement possible, mais que ce "montant de 30%" ne peut jamais compter comme salaire pour déterminer la limite de 80%.  

En d'autres termes, il y aura un risque accru de dépasser la règle des 80% si les cotisations sont versées au plan de pension sur la base d'un montant qui est considéré comme une dépense propre à l'employeur (et non comme un salaire) à des fins fiscales.

Impact sur la couverture décès
Un plan de pension typique définit souvent la couverture décès comme un multiple du salaire mensuel ou annuel (à moins que la couverture décès ne soit définie indépendamment du revenu de l'affilié). Là encore, la formulation du plan de pension actuel ne sera souvent pas adaptée aux particularités du nouveau système pour les cadres étrangers. Une modification du règlement sera donc également nécessaire.

Impact sur la couverture invalidité
Ici, nous pouvons à nouveau faire la même remarque que précédemment : le montant payé par l'employeur comme dépense propre dans le nouveau système ne sera pas pris en compte pour la couverture invalidité. La prestation en cas d'invalidité sera donc moins élevée dans le nouveau système.

Nous rencontrons ici un problème (fiscal) supplémentaire : selon l'article 59 §1, 3° CIR, la couverture invalidité ne peut fournir une prestation supérieure à la rémunération annuelle brute normale. Si tel est le cas, la prime pour l'établissement de cette couverture invalidité n'est pas déductible fiscalement et relève des dépenses non déductibles.

Par conséquent, si l'on souhaite porter cette couverture au niveau de l'ancien système, il est fort probable que l'on se heurte (également) à un surcoût fiscal.

Steven Cauwenberghs
Senior Legal Advisor